Le Blog de Babas

Pour commencer je partage avec la blogosphère cette lettre ouverte que je viens de recevoir dans ma boite. Elle fait état des considérations regionalistes qui animent ceratines personnes au Cameroun. Bonne lecture!

Lettre ouverte aux Sudistes fermés

Mes chers amis,

La lecture de certaines interventions ces derniers temps sur le forum Cameroun Link  est  plus que décevante. Comme l’a souligné un internaute sous le pseudo de Lalou_5, j’ai l’impression que les recentes discussions servent à certaines personnes d’exutoire pour donner libre cours à leur tribalisme et à leur ethnocentrisme. Que lit-on ? Les Nordistes sont des nullards…Les Nordistes sont ingrats et devraient se contenter du pourcentage de 21 pourcent qui leur est – gracieusement- alloué…Les Nordistes sont ceci, ils ne sont pas cela…

Ce qui m’a surtout frappé, c’est de constater qu’aujourd’hui encore il se trouve dans le pays des Camerounais pour penser que du fait de leur appartenance à la région du Sud ils sont de fait supérieurs intellectuellement à leurs compatriotes du Nord. A ceux-là, j’aimerais poser une toute petite question : où vivez-vous ? Dans quelle chimère vous êtes vous enfermés pour considérer que votre statut de sudistes vous mettait au-dessus des Nordistes ? Provenir d’une région qui bénéficie d’un fort taux de scolarisation ne fait pas de vous des surdoués, pas plus que le handicap structurel dont a souffert le Nord en termes d’infrastructures scolaires ne diminue en rien la capacité de ses ressortissants d’aujourd’hui à concourir ou à réussir aux épreuves. J’ai l’impression qu’il y a des forumistes qui ont lu des ouvrages datés et qui ont du mal à se départir d’une vision passéiste du Nordiste, tel qu’il apparaissait dans l’imaginaire populaire des écrivains sudistes : berger, analphabète, cuistre, etc. Mais réveillez-vous ! frottez-vous les yeux et regardez autour de vous : où sont ces nullards dont vous parlez ? Si les Nordistes sont des nullards, pourquoi compte-t’on un si grand nombre de diplômés ? Certes en termes de quantité le Grand-Nord n’a aucune prétention à rivaliser avec la région du Grand-Sud, je le concède aisément. Mais il ne faudrait pour autant pas en déduire comme certaines personnes aimeraient nous le faire croire que nous sommes des incapables, que le nombre des diplômés nordistes est faible ou insignifiant…A ce propos, j’aimerais ici vous faire part de la stupéfaction – c’est bien le mot- de beaucoup de ces Sudistes ethnocentristes qui ont découvert au moment de déposer leur dossier qu’ils allaient devoir entrer en compétition avec au moins six mille étudiants Nordistes. Ils avaient naïvement fait le raisonnement suivant : Fame Ndongo a dit qu’il y aurait 2000 places. Les Wadjo ne font pas l’école…Et même comme Biya leur a donné l’affaire-là, ils ne parviendront même pas à aligner une centaine…Donc, on sera obligé de revenir à nous…

Eh bien, ils sont tombés de bien haut ! Et je ne parle pas seulement des candidats au recrutement, mais aussi de certains officiels impliqués dans la collecte des dossiers qui m’ont fait part de leur étonnement à constater qu’il y avait autant de Nordistes qui se présentaient…Ils se demandaient d’où ils sortaient. Poliment, je leur rappelais que le lycée de mon village (pour les Sudistes au Nord il n’y a que des villages) produisait des bacheliers depuis vingt ans. Que l’université de Ngaoundéré depuis cinq ans fournit à la communauté universitaire des docteurs dont la qualité ne souffre d’aucun soupçon.

Une autre chose qui a attiré mon attention, c’est le souhait du forumiste Langoul de diffuser dans la presse les notes des candidats, pour, ainsi qu’il le dit lui-même, « voir qui va encore gueuler ». Je tiens à lui faire savoir que je soutiens entièrement sa proposition : mais qu’il ne soit pas surpris de constater que les Nordistes ne seront pas les seuls à gueuler, tous simplement parce que s’ils sont nuls, ils ne le sont pas plus que d’autres. Vous autres Sudistes – je regrette de m’adresser à vous en ces termes – croyiez toujours que le pays fonctionne comme à l’époque où on tolérait des moyennes basses au Nord alors qu’au Sud on était intransigeant.

Etant enseignant, je peux vous assurer que la promotion de la médiocratie – si l’on peut qualifier ainsi les mesures d’exception de l’époque- n’est pas propre aux Nordistes. Les examens officiels et les évaluations me permettent de constater chaque année que nous n’étions pas plus cons que d’autres, plus « assistés » que d’autres : dans le lycée où j’exerce, un petit village du Sud, on admet les élèves avec 04/20 de moyenne (en ville c’est 10 ou 12). Lorsque je constate une telle tolérance que nous autres enseignants de zone rurale sommes obligés par les Délégués à appliquer, je ne me dis pas que les Sudistes sont des nullards, mais je comprends que les conditions dans lesquelles mes élèves évoluent sont telles qu’elles ne leur permettent pas d’avoir d’aussi bons résultats que ceux de la ville, qui ont tous leurs profs, tous leurs livres et cahiers et en plus un bataillon de répétiteurs.

Monsieur Langoul, je reste même persuadé que si les notes étaient publiées, ce que l’on verrait, c’est que les Nordistes ont eu des mentions « passable » ou « assez-bien » comme la majorité de leurs frères sudistes : mais surtout, pour peu qu’on se donne la peine de lire entre les lignes, on comprendrait que si le ministère a d’emblée éliminé près de 15 000 candidats sur les 37 800 qui ont déposé leurs dossiers, c’est parce qu’un bon nombre de candidats sudistes ont trafiqué leurs diplômes pour avoir une mention acceptable. Je ne dis pas qu’on ne trouvera pas parmi ces faussaires une vingtaine de Nordistes, mais j’ai la nette impression que le reste de faussaires sera constitué à majorité de Sudistes, comme quoi à ce jeu nous sommes également derniers (s’il faut raisonner comme vous). Désormais donc, avant d’affirmer comme le Délégué à

la Sûreté Nationale

Autre point : j’ai lu des affirmations sur le net, des considérations sur lesquelles tout le monde brode ses réflexions sans se demander un instant si elles sont fondées : Qui a dit que les Nordistes devaient être nombreux dans l’ENS pour pallier au manque d’enseignants au Nord ? Qui ? Biya ? L’arrêté qui lance le concours ? Qui ? J’ai l’impression que beaucoup de personnes, sudistes comme nordistes, se complaisent à une interprétation erronée des actes de l’Etat. Qui a dit que l’ENS appartenait à Maroua ? Biya ? Que non ! A Maroua, il a promis l’ouverture d’une université. Point barre ! Je défie quiconque de me citer un propos de lui indiquant que cette université était dédié à la solution du problème d’enseignants dans le Nord, ou dédié à satisfaire le Nord. Je n’ignore pas le contexte dans lequel cette promesse a été faite, ni la réception partisane qu’en font les soi-disant « Elites » de Maroua. Quand on se raconte des histoires, le réveil est toujours difficile. A tous ceux qui me disaient avant la promulgation des résultats que le Nord aurait 60 pour cent, je leur demandais en vertu de quel ratio ou de quelle promesse ils s’attendaient à une telle aubaine. Il faut bien comprendre que les élites qui font mine aujourd’hui de s’offusquer du pourcentage alloué à la région septentrionale sont dans une posture politique : ils veulent faire croire qu’ils s’occupent de la jeunesse, qu’ils ont défendu leurs dossiers…Balivernes. Leurs petits protégés et neveux sont tous admis et tout ce qu’ils entreprennent, c’est de la poudre aux yeux. Leur attitude est plus que ridicule et s’il se trouve des personnes pour les qualifier d’élites, c’est que l’acception de ce mot est tombée bien bas au Cameroun. Si vous voulez savoir quelle est l’élite au Nord, ne considérez pas qu’un député comme ceux que nous connaissons en soit un représentant : c’est juste un pêcheur en eaux troubles.

Enfin, j’aimerais formuler un vœu : qu’on laisse les Nordistes, puisque le besoin s’en fait encore sentir au vu de certains sudistes bourrés de préjugés, faire leurs preuves. Nous n’avons pas besoin de quota. Nous n’avons pas besoin de notes complaisantes. Nous affirmons que nous valons ce que l’école républicaine a fait de ses lauréats. Malgré les quolibets et la résurgence de stéréotypes d’un autre temps, nous sommes sereins et espérons que l’instauration d’un système d’évaluation objectif – rien que objectif - contribuera un jour à faire comprendre aux sudistes que nous n’avons rien à leur envier et rien dans notre valeur intrinsèque qui nous fasse honte. Un esprit objectif comprendra qu’on ne peut pas préjuger de la valeur d’un homme uniquement en se basant sur sa région d’origine. Pour les autres esprits embrouillés dans les brumes de l’ethnocentrisme et de la connerie, il n’y a pas de remède : même l’information ne les aidera pas. Pastichant un peu Lacan, je dirai pour finir que la vérité facilite la vie mais qu’elle est impuissante devant la connerie humaine. A bon entendeur…sudiste !

                                                                                  Malloum Al Qussuri

                                                                                              Enseignant

alqussuri2@yahoo.fr